
Style : black metal
Label : Altare Productions / Purity Through Fire
Localisation : France
Sortie : 30 avril 2025
La Bretagne et le black metal c’est maintenant une vieille histoire. Aujourd’hui encore, on ne compte plus les groupes, les labels et divers événements qui peuvent s’y tenir. Oh il y a du tout : du très bon et du beaucoup moins bon aussi, on ne citera pas de noms. Concernant le one man band Prieuré fondé par Sans Visage il y a quelques années, le doute n’est pas permis, on est du côté des très bons. Très bon et assez singulier pour ne rien gâcher. Évoluant à ses débuts dans un black volontiers raw avec des inclinaisons punk assez marquées, Sans Visage a su faire avancer sa musique vers de nouveaux horizons sans foncièrement tourner le dos à ses racines. Le premier album, sorti en 2023 et intitulé « Le départ » témoignait déjà de cet état de fait. Ce nouveau chapitre qui répond au titre de « Jusqu’au bénitier », poursuit cette quête.
Après des débuts chez Vetus Capra ou en indépendant, Prieuré a de nouveau opté pour le label lusitanien Altare Productions qui, si j’ai bien compris, sort « Jusqu’au bénitier » en coproduction avec Purity Through Fire le Germanique.
Non content de composer et d’interpréter la quasi totalité de la musique, Sans Visage a aussi réalisé l’artwork avec toujours cette dominante de noir et de blanc. On y distingue un groupe de moines débarquant sur un îlot rocheux avec leur oriflamme. Comme toujours, Prieuré puise beaucoup dans la période médiévale et sa région l’essentiel des matériaux de son inspiration. L’album, cette fois, prend racine dans les récits du voyage de Saint Brendan, un moine irlandais du haut Moyen âge, fondateur de nombreuses abbayes et dont l’hagiographie évoque nombre de pérégrinations maritimes qui ont donné corps un peu plus tard à des récits très populaires ancrés dans la culture celtique et chrétienne. A ce socle, Sans Visage ajoute aussi des éléments légendaires de la forêt de Brocéliande.
C’est d'ailleurs dans cette forêt où débarquent les moines que s’ouvre l’album. Auparavant Prieuré aura pris soin d'introduire son propos par un instrumental d'un peu plus de trois minutes. Car c'est là une des particularités de "Jusqu'au bénitier" que de se placer dans une structure très narrative. Pas moins de quatre pistes sont instrumentales et constituent autant de respirations dans le récit. L'auditeur est ainsi emporté par des notes plus douces de guitare acoustique, de claviers éthérés. La plus ample se situe au cœur de l'album avec "Marécage" et elle est introduite par le conteur Quentin Fourreau. Elle se poursuit sur des sonorités légèrement psychédéliques avec un côté post rock qui s'intègre bien à l'ensemble forcément plus black. Finalement ces instrumentaux représentent environ une quinzaine de minutes soit un tiers de l'album, ce n'est pas négligeable. Le parti pris m'a paru intéressant et bien intégré. Peut-être que certains trouveront cela un peu long ou que ça casse la dynamique de l'album. Personnellement je ne partage pas cet avis pensant, au contraire, qu'ils contribuent pleinement à la narration particulière de "Jusqu'au bénitier".
Pour ce qui concerne les titres plus belliqueux, Prieuré démontre, si besoin était, toute sa capacité à composer un black metal mélodique qui n'a rien à envier aux autres. Une nouvelle fois, ce disque constitue un pas en avant avec un son et des compositions de plus en plus abouties. Chacun des titres à sa personnalité ou sa particularité. "Prieuré" fait ainsi la part belle à des ambiances résolument très sombres avec des changements de rythmes, une mélodie lancinante et un chant de forcené. "A travers la forêt" est probablement l'un des morceaux les plus variés avec un gros travail sur le chant. Celui-ci saute littéralement à la figure et la diction en Français s'avère tout à fait compréhensible et prenante. Les intonations très énergiques de la voix ne sont pas sans rappeler celle de l'Auvergnat Spellbound avec cette même capacité à habiter le récit. A noter la participation appréciable de Torve du groupe Ascète qui vient prêter main forte pour les chœurs, amenant une dimension spirituelle supplémentaire à une composition fort riche." Vautour" est, lui, probablement le morceau le plus brut qui rappelle un peu les velléités un peu punk / heavy ce qui n'empêche nullement des touches d'orgues plus atmosphériques. "Le Grand Incendie" suit un peu la même voie avec un côté plus haletant encore qui illustre bien l'emballement du récit. Le dénouement constitué par "Triomphe" donne lieu à un côté plus épique qui trouve son sommet et sa conclusion avec la partie de cornemuse assurée par Geoffroy D.A. (Paydretz).
On retiendra donc que "Jusqu'au bénitier" confirme la courbe ascendante suivie par Prieuré depuis ses débuts. Méticuleusement réfléchi et composé dans ses différentes dimensions (musicales, narratives, conceptuelles, culturelles..). Sans Visage propose un album qui aiguise la curiosité dès sa première écoute et réussit à la satisfaire dès lors que celles-ci se multiplient. Plus solide à chaque sortie, le black metal de Prieuré est de ceux que l'on ne peut recommander à des auditeurs en quête d'un black metal enraciné et élaboré.
Tracklist :
1. Introït (03:30)
2. Prieuré (05:41)
3. Foi (02:23)
4. À travers la forêt (feat. Torve) (06:14)
5. Marécages (05:12)
6. Vautour (05:25)
7. Le grand incendie (06:16)
8. Patience (03:16)
9. Triomphe (feat. Geoffroy D.A.) (07:23)
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