
Il y a quelques semaines, Bovary, a ressorti son premier album au format vinyle avec le soutien des labels Acid Vicious et Remparts Productions. Intitulé “Par Amour du Vide”, il était sorti il y a maintenant un peu plus de deux ans, cette nouvelle parution est donc l’occasion toute trouvée pour redire un mot d’un opus qui s’est avéré en bien des points très marquant.
Pour rappel le groupe vient des Hautes Alpes, dans un coin fort joli et un peu paumé que Bovary présente et arpente lors d’un petit documentaire de Quentin Bellon (https://www.youtube.com/watch?v=tEZel4zlXzk). Depuis la parution de “Par Amour du Vide”, j’ai cru comprendre que le line-up avait évolué, n’en connaissant pas exactement les tenants et les aboutissants je ne vais donc pas trop m’avancer. Disons que l’essentiel du processus de composition et de représentation du groupe est tenu par Etrange Garçon à la guitare et Petri Ravn, guitariste et chanteuse. Outre Isidore de Palsuie sur “Celui ou celle”, on trouve aussi en guest l’ancienne chanteuse de Bovary, Sotte, qui pose sa voix sur le premier et le dernier titre. Plus encore, elle prête son image pour les artworks de l’album.
Pour cette version vinyle, le groupe a choisi a retenu la version qui doit déclencher l’ire de l’algorithme de certains réseaux sociaux. La raison n’est probablement pas tant que la jeune femme soit sévèrement amaigrie où qu’elle se colle un flingue sur la tempe mais plus surement que sa poitrine est bien trop visible pour la tartufferie Méta, soucieuse de ne pas affoler notre belle jeunesse.

Le corps, particulièrement le corps féminin, était une thématique assez prépondérante sur cet album. Un sujet délicat et finalement peu courant dans le style de musique qui est le notre. Oui le corps, cette chose qui nous accompagne du début à la fin, pour le meilleur ou pour le pire. Ce corps qui soi disant est à nous mais que l’on doit sans cesse conformer au regard des autres, plus encore quand on est de la gente féminine. Ce corps qui est une espèce de tonneau des Danäides qu’il faut remplir et vider sans fin. Une enveloppe qui fait la fierté de certains ou en complexe beaucoup d’autres. Un bidule dont on ne sait, parfois, que faire avec ses envies, ses addictions, ses répulsions qui peuvent vous fracasser et vous faire perdre la boule. Pour peu qu’au jeu de la vie, on se soit vu octroyer une enveloppe charnelle féminine, on a alors tiré le gros lot pour passer un inoubliable moment, coincé entre marketing culpabilisateur et arrière fond patriarcal.
La féminité c’était un autre aspect propre à cet opus et cela ne tenait pas qu’au line up passé ou présent du groupe (même si cela a aussi son importance). Là encore, c’était un aspect qu’on ne croisait pas beaucoup dans le black metal. Féminité mais pas pour autant féminisme car on ne trouvait pas dans l’album de slogans de quelque sorte. Le corps, la féminité étaient ici abordés au moyen d’une approche sensible, personnelle, poétique même. Oui, cela en a certainement du en bousculer plus d’un au une au sein d’une scène black quelque peu testostéronée et parfois enfermée dans des sujets bien inoffensifs. La musique de Bovary, elle, offrait le visage du mélange d’une fragilité assumée, d’une souffrance endurée et d’une force sans cesse renouvelée. Cette musique, elle tardait un peu à venir d’ailleurs, laissant d’abord la place à une sorte voix artificielle, que l’on aurait cru sortie d’une de ces applications téléphoniques. Une outro inhabituelle par sa longueur et son contenu qui laissait l’impression d’assister à une exécution capitale des temps modernes dans un univers où technologie et impératifs esthétiques dictent implacablement leur loi.
Ces mots allait entrer en résonance avec le titre « Ana » où Bovary dévoilait un univers à la fois nouveau et familier à ceux qui suivaient déjà le groupe. La musique était beaucoup moins lo-fi que ne l’était celle des œuvres précédentes. On faisait face ici à une évolution et une progression importantes dans laquelle Bovary parvenait à développer un son plus personnel sans se départir de ce côté cabossé propre au DSBM. Chaque instrument trouvait ainsi sa place dans des compositions très bien écrites et joliment assemblées les unes aux autres pour un album tout en profondeur. Les points d’orgue irrésistibles ne manquaient pas et vous cueillaient au détour de « Bénies soient les Putains », de « Sans Moi » ou de « Bonheur Léthargique". On n’oubliera pas, en guise de point final, la chanson « Mon Amie la Rose » interprétée en son temps par Françoise Hardy et inspirée du poème « Mignonne Allons Voir si la Rose » de Ronsard. Ce n’était pas la première fois que des formations typées black metal s’inspirait de ce morceau, on en trouvait ainsi trace chez Decline of the I (album « Rebellion ») et chez Eros Necropsique aussi me semble t-il. Pour cette reprise, Bovary jouait avec brio la carte d’une émotion allant crescendo, transcendée par la superposition des voix de Sotte et de Petri Ravn.
De cette dernière, on retenait d’ailleurs une prestation vocale saisissante avec ses high scream déchirants qui habitaient littéralement la musique et parvenaient à faire ressentir et résonner chacun des mots et autres maux de Bovary.
Comme suggéré précédemment, elle n’était toutefois pas seule à donner de la voix sur “Par Amour du vide” ; la plupart des morceaux voyait, en effet, intervenir d’autres vocalistes se faisant écho les uns les autres. L’illustration la plus frappante à cela était probablement le morceau « Bonheur Léthargique » qui, personnellement, reste le titre m’ayant filé le plus de frissons.
Enfin pour à peu près finir le tour de cet opus, on relèvera aussi les qualités d’écriture des paroles avec une certaine forme d’élégance à la française qui se mariait à l’ordure du black metal et à une forme de poésie noire. Par le passé, Bovary nous avait déjà régalé de quelques belles fulgurances verbales (« Ta vie c’est mes chiottes » pour ne citer qu’une de mes préférées), ici le groupe nous comblait un peu plus encore à coups de tournures parfois crues, souvent cruelles mais toujours belles
Au glas de ces quelques mots remettant en lumière cet album, on ne peut que constater qu’hier comme aujourd’hui « Par Amour du Vide » était une véritable perle d’émotions, une œuvre à la fois belle, sombre et audacieuse. Plonger ses oreilles et son âme dedans c’était un peu comme aller mettre ses mains dans un épais rosier avec ses belles fleurs et ses épines acérées. On s’enivrait de beauté et de senteurs autant qu’on s’écorchait les mains. Mais à quoi bon des roses sans épine ?
Tracklist :
1. Par amour du vide (03:46)
2. Ana (05:53)
3. Bénies soient les putains (08:46)
4. Celui ou celle (05:15)
5. Dialogue amputé (06:28)
6. Sans moi (06:15)
7. Bonheur léthargique (07:06)
8. Mon amie la rose (03:10)
Disponible :
https://bovaryblackmetal.bigcartel.com/
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