Niklas Kvarforth - Quand le Prozac ne suffit plus – Que fleurisse l’autodestruction (2016)

Publié le 21 avril 2025 à 09:33

Genre : poésie

Editeur : Les éditions du Camion Blanc.

Sortie : janvier 2016.

 

Remontons un peu le temps aujourd’hui pour se replonger dans ce petit ouvrage paru il y a à peu près neuf ans. Son auteur est Niklas Kvarforth, leader bien connu du groupe suédois de black metal Shining.

Le livre en question est un recueil proposant une traduction en Français d’une sélection de chansons des huit premiers albums de l’artiste. Bon, il est à peu près aussi aussi inutile de rappeler que Shining office dans le registre DSBM (depressive suicial black metal) que de revenir sur le pedigree de son auteur, riche de coups d’éclats et de provocations en tout genre.

L'ouvrage en lui même pourrait d'ailleurs venir s'ajouter à la longue liste, ne serait-ce que par son titre qui peut sembler racoleur autant que désarmant de vérité. La quatrième de couverture n'est pas mal non. On y apprend que : "l'ouvrage n'est pas un recueil de poésie suédoise comme les autres". Mince alors... Autre information livrée en toute modestie : l'auteur aurait fait renaître de ses cendres le black metal. Rien que ça. Notons aussi que tous les textes ne sont pas de Niklas Kvarforth, certains ayant été écrits par d'autres auteurs comme Maria Theresa Dag, Robert Aaydan. Ils restent toutefois dans la lignée des autres.

Bon plus sérieusement, il y a dans la publication de ce livre de bonnes idées : tout d'abord celle de rendre accessible au lecteur français des textes qui ne sont effectivement pas dénués de qualités littéraires. On ne s'attarde souvent pas assez sur les lyrics, tout focalisé que l'on est sur la musique ou la forme du chant. L''occasion est ici toute trouvée de rompre avec cette mauvaise habitude. Ensuite, un certain nombre de ces textes ont été en écrits en Suédois donc forcément pas forcément accessibles au commun des mortels, quand bien même il existe une édition en Anglais déjà plus à la portée du quidam. Enfin c'est surtout le moyen de découvrir un peu plus profondément l'univers de Niklas Kvarforth, d'aller plus loin que le personnage public, ses frasques et ses formules à l’emporte pièce.

L’édition proposée par le Camion blanc, est tout ce qu’il y a de plus basique. La traduction de Nicolas Castelaux est d’une lecture agréable tout en restituant les tonalités contrastées de l’auteur. De manière quantitative, le livre est peu épais et sa lecture peut donc être relativement rapide.

Relativement car dans les faits elle s'avère assez rude, plutôt dense et requiert une certaine forme d’attention. Entrer dans ces textes c'est pénétrer dans une forme de chaos mental qui peut vite s’avérer contagieux ou toxique. La quatrième de couverture nous avait prévenue : "Vous n'en sortirez pas indemne". Sans aller jusque là, il faut bien reconnaître qu'on ne peut pas rester indifférent à la prose utilisée dans Shining. En peu de mots, souvent, Niklas Kvarforth, a l’art de trouver les formules qui frappent. Il livre sans détour ses différents tourments, ses mots peuvent aussi bien être des lames de rasoir comme devenir des quartiers de viande humaine tailladés à vif. Destruction, auto destruction, mépris du monde, mépris de soi tout en cultivant une certaine forme de narcissisme pervers, voilà l’essentiel du contenu. Quelques rares points de lumières semblent parfois percer ces ténèbres, mais ils  ne sont le plus souvent que des mirages. Dans les faits la noirceur avance inéluctablement, détruit tout et ne laisse rien d’autre que des illusions gisant comme des carcasses fumantes. Toute cette littérature, dégage une forme de confusion et d’agitation nerveuse qui fait sa force. La malaise est patent, cette gangrène vous contamine et pousse à tourner les pages les unes après les autres jusqu’à épuisement. Est ce là le signe que l’on cherche à trouver la sortie le plus rapidement possible dans une sorte de reflexe de survie ? Où alors est-ce cette curiosité plus ou moins malsaine qui nous pousse à voir Niklas Kvarforth baigner un peu plus encore son esprit dans les eaux noires de la destruction? Difficile à dire. Reste que les mots sont troublants. Pour quelques uns on pourrait même dire qu’ils sont touchants, pas forcément dans le fait qu’ils vont susciter une quelconque forme d'apitoiement mais simplement parce que sur bien des points la lucidité de Nikas Kvarfoth est sans équivoque et fascinante. Alors forcément, dans une certaine mesure, la perception que l’on pouvait avoir sur le bonhomme en est forcément un peu modifiée et on en conclue que la véritable force de Niklas Kvarforth se situe plutôt dans le fait d’avoir été chercher et trouver au fond de lui même les mots pour décrire ces abîmes qui le rongent. Une quête personnelle, intime même, autant qu’une autre forme d’automutilation supplémentaire. Un livre qui est une véritable porte sur l'abime. Intimidant autant que fascinant.

 

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