Khôra – Ananke (2025)

Style : black metal

Label : Les Acteurs de l’Ombre Productions

Localisation : international

Sortie : 2 mai 2025

Il flotte sur cet album un petit air de norvégien. C’est la première réflexion qui m'est venue à sa première écoute. Il y en a eu beaucoup d’autres depuis et si cette impression ne s’est pas totalement dissipée, elle s’est largement atténuée car cette entité au line up international ne saurait se résumer à un revival scandinave.

Parlons en du line up, il est bigarré et éclaté au quatre coins de l’Europe. Le cerveau de Khôra si on peux dire c’est Oleg, multi instrumentiste déjà croisé comme batteur de Autokrator, Dagor Dagorath et bien d’autres. Il s’est adjoint la complicité de nombreux musiciens de divers horizons. On citera tout d’abord Frédéric Gervais du groupe Orakle et bien connu pour son travail aux studios Henosis. Un petit quelque chose nous dit qu’il n’est peut-être pas pour rien dans la signature de Khôra chez Les Acteurs de l’Ombre, non seulement du fait de sa nationalité mais surtout de son travail régulier avec des groupes du label, citons pêle-mêle Aorlhac, Griffon, Moonreich, Jours Pâles, Pensées Nocturnes ou encore A/Oratos. A la basse, on retrouve Göran, un ancien de Setherial quand même. Kjetil s’occupe des orchestrations et des claviers, poste qu’il a occupé dans diverses formations (Profane Burial, Haimad). A ce line up déjà bien étoffé se rajoutent des invités qui ne sont pas non plus les derniers venus, citons Rune 'Blasphemer' Eriksen (ex-Mayhem), Kristian Niemann (ex-Therion), Wolfgang Rothbauer (live Belphegor) ou encore André 'Cosmocrator' Søgnen (The Wretched End). Cela en fait du monde pour un disque.

Avec « Ananke », sorti en mai dernier, Khôra n’en était pas à son coup d’essai, le groupe avait en effet sorti son premier opus intitulé « Timaeus » en 2020 qui offrait un black metal légèrement symphonique et assez original par certaines de ses atmosphères un peu psyché. Pour ce deuxième opus si l’appellation symphonique me paraît toujours un peu exagérée, celle d’atmosphérique me paraît un peu insuffisante, nous dirons donc que Khôra est un peu orchestré et plutôt bien. Ces éléments ne sautent pas toujours aux oreilles des les premiers morceaux qui sont dans une veine black / death assez classique. Ils sont en tout cas servis par des compositions redoutablement efficaces et un son aux petits oignons. Si ce socle peut paraître un peu commun, il sait se détacher de la masse par sa parfaite exécution. Me concernant c’est surtout l’irruption du chant clair qui a retenu mon attention. Et là Khôra marque des points, des gros points même. La tonalité un peu nasillarde n’est pas sans rappeler celle d’un certain Tobias Forge. Bon ce n’est pas cette vague ressemblance qui est la plus intéressante mais bien la manière dont les lignes de chant clair font respirer la musique en lui donnant un côté mystérieux voire mystique et lumineux. Ce n’est pas toujours facile de faire cohabiter chant saturé et chant clair. Quand il s’agit de voix narratives passe encore, mais quand on parle vraiment de chant, l’exercice peut s’avérer périlleux et Khôra s’affranchit de tous les pièges inhérents à l’exercice et délivre une prestation vocale des plus intéressantes.

La musique n’est pas à mettre de côté non plus. A la base black déjà évoquée un peu plus haut, il faut aussi parler de la capacité que le groupe a pour construire des atmosphères assez uniques en leur genre. Les breaks sont soignés et variés, là encore tout cela amène des respirations qui rendent l’écoute fluide voire addictive.

En somme « Ananke » constitue une bonne surprise à plus d’un titre. Musicalement, Khôra m’a agréablement étonné alors que sur le papier je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Conceptuellement l’album est bien ficelé et dégage une ambiance particulière, qui plus est il est varié et cohérent, ce qui n’est pas forcément chose gagnée avec un line up aussi alambiqué. "Ananke" est aussi servi par une production équilibrée et puissante qui laisse toute sa place aux différents à chacun des interprètes, c'est appréciable. Enfin c’est une heureuse surprise que de voir ce groupe publié chez Les Acteurs de l’Ombre qui ces dernières années ont plutôt orienté leurs choix sur des formations destinées à faire du live. Comme pour Time Lurker il y a quelques mois, le label a su faire une exception avec Khôra et c’est tout à son honneur. Espérons que les auditeurs suivront car l’album et le groupe le méritent.