
Style : black metal
Label : Season of Mist
Localisation : France
Sortie : 23 août 2024
Il y a à peine un an, Gravenoire sortait son premier disque sous la forme d’un EP de six titres. Gravenoire c’est un projet rassemblant des noms bien connus de la scène black metal française. Au chant on trouve ainsi RMS Hreidmarr et Vicomte Vampyr Arkames qu’on ne devrait plus présenter pour leur rôle passé dans Anorexia Nervosa pour l’un et dans Seth pour l’autre. Loin d’être de simples gloires du passé, les deux artistes ont aussi une activité musicale récente tout aussi réjouissante que ce soit Bâ’a ou Baise ma Hache pour Rose Hreidmarr ou Diablation pour le vicomte. A ces deux vocalistes se rajoutent Maximilien Brigliadori à la guitare et à la basse qui joue à la fois dans Bâ’a et Diablation. Enfin, Emmanuel Zuccaro tient la batterie (et s’occupe des claviers), lui qui officie également dans Bâ’a et a aussi tenu ce rôle pour les premières réalisations de Hyrgal. En bref Gravenoire, ça sent une bande de musiciens ayant nombres d’expériences communes et suffisamment d’atomes crochus et d'envie pour se lancer dans un nouveau projet.

Petite surprise c’est Season of Mist, par le biais de sa branche Underground Activist, qui a sorti ce premier disque. On aurait pu s’attendre à ce qu’Osmose Productions s’y intéresse vu les liens de ce label avec les protagonistes de Gravenoire que ce soit dans le cadre de Bâ’a, Diablation, Glaciation etc. C’est ainsi et c’est en partie un retour aux sources puisque Season avait sorti en son temps le premier Anorexia Nervosa (dont Hreidmarr n’était pas encore le chanteur) et « Les Blessures de l’âme » de Seth.
D’un point de vue musical, Gravenoire mettait les cartes sur table d’entrée se voulant l'incarnation d’un black metal à la française pur et sans fioriture. En clair l’album a été enregistré sans artifice ou traficotage sonore. Pour autant pas d’inquiétude à nourrir quant à la qualité, compte tenu de l’expérience de chacun, le son est très bon pour qui aime un black metal brut mais classieux. Par rapport à d’autres de leurs projets Gravenoire s’inscrit dans la terre de France avec un focus dans les contrées rocailleuses et rurales du Massif Central ou des Alpes. Gravenoire est d’ailleurs le toponyme d’un puy et d’une localité du Puy-de-dôme au dessus de l’agglomération clermontoise. Un lieu encore sauvage et magnétique. Une partie des images de la vidéo « France de l’Ombre » a d'ailleurs été tournée dans la région.
On peut d’ailleurs en dire un petit mot de plus de cette vidéo qui résume assez bien l’état d’esprit du projet : paint corpse, bracelets à clous, torches enflammés, paysages forestiers, montagneux, vieilles pierres...Gravenoire est un groupe enraciné. Enraciné dans un black metal soucieux de la tradition mais enrichi par le substrat culturel et poétique de ses membres. Enraciné dans des terres à l’écart du temps, propices à la contemplation de soi et du monde.
Non content de ranimer un certain esprit originel du black metal Gravenoire est aussi un projet à la dimension philosophique et spirituelle. Ces mots ne sont peut-être pas les plus heureux mais ils valent toujours mieux que celui de politique qui n'a pas manqué de ressurgir. Passons. Cet aspect spirituel surgit dès l’introduction et suinte dans tous les titres avec pour point d’orgue le titre final qui consiste en une lecture d’un texte poignant de Jean-Paul Bourre. A l’origine, c’est lui même qui devait déclamer ces mots tirés de son ouvrage « Le sang, la mort et le diable ». La mort en a décidé autrement et c’est Hreidmarr qui finalement posé sa voix dessus. Le disque est d’ailleurs dédié à cet auteur et ce n’est bien évidemment pas un détail tant il y a beaucoup de convergences de vue entre cet écrivain auvergnat et Gravenoire. Tout à la fois poète, voyageur, occultiste, spécialiste des contre-cultures en tout genre et véritable empêcheur de penser en rond, son influence affleure ça et là dans d’autres titres.
On a parlé de bien des choses sur Gravenoire et croyez bien qu’il y en aurait encore beaucoup d’autre tant le groupe me parle bien au-delà de la musique. Mais elle ne doit pas être oubliée. L’EP s’ouvre sur une introduction solennelle comme si la porte des étoiles s’ouvrait devant nous révélant tout un monde qui va pleinement se déployer avec « France de l’ombre » qui, d’emblée, prend aux tripes avec ses guitares agressives, ses mots martelés qui s’impriment au milieu de vociférations emplies d’une rage sacrée. Avec « Ordo, Opera, Cultura », on plonge dans une atmosphère embrasée avec un côté un peu symphonique qui n’est pas sans rappeler les accents d’Anorexia Nervosa, notamment dans le refrain. « Aux chiens » est peut-être le titre le plus sombre du disque, les accents sont toujours aussi furieux mais portés par des flux d’amertume et de vindicte plus accentués encore. L’invocation du lieu Gravenoire sonne comme un appel au seuil de la mort et le début d'une nouvelle vie. « Granit » se teinte d’une dimension spirituelle suggérée par des parties en voix claire où les mots frappent tout autant que ceux du titre final :
« Il fut un Temps, il fut une Terre,
Des forêts chantantes,
Aux innombrables mystères
Des vies dilettantes
Aux destins mortifères,
Bercées par nos prières
A la lisière de l’humanité
Aux confins des terres sacrées
C’est ici que je vis
C’est ici que je suis »
En une petite demi heure, les membres de Gravenoire font surgir tout un monde. Un monde bâti sur un socle musical et culturel semblable à un bloc granitique. Un bloc qui était là bien avant nous et qui le sera bien après. Ne se cantonnant pas à un passéisme de bon aloi, Gravenoire y inscrit sa marque, sa vision, ses fulgurances pour une oeuvre qui est un juste équilibre entre passé et présent.. Autant d’aspects qui font de « Devant la porte des étoiles » une œuvre à part, une invitation à cheminer sur de rudes sentiers : ceux d’un monde qui n’est plus ou plus tout à fait. Un album viscéral qui prend aux tripes et à l’âme.
Tracklist :
1. Pavens (01:27)
2. France de l'ombre (05:53)
3. Ordo Opera Cultura (04:03)
4. Aux chiens (04:18)
5. Granit (05:21)
6. Gravenoire (04:11)
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