
Style : black metal
Label : Ancien Culte / Nuclear War Now! Productions
Localisation : France
Sortie : 16 juin 2023
La mythologie est pleine des désirs les plus ardents des hommes autant qu’elle est le réceptacle de leurs angoisses et de leurs craintes les plus profondes. Quelque part cette assertion on pourrait en partie l’appliquer au black metal, outre le fait que le genre a construit sa propre mythologie. La musique des Français de Cénotaphe pourrait aussi avoir cette valeur à la fois cathartique et métaphorique. Pour ce nouvel album intitulé « Chimères », qui est paru conjointement chez Ancien Culte et Nuclear War Now! Productions, c’est une des impressions qui m’a traversée l’esprit.
De métaphores, l’album n’en manque pas, tout comme de références à la mythologie. Le titre tout d’abord : « Chimères », ces créatures monstrueuses des mythes grecs qui aujourd’hui désignent plus volontiers des illusions. Ces références constantes à l’Antiquité, on peut ou non les interpréter comme des métaphores subtiles au monde contemporain. Ce deuxième album en est en tout cas rempli que ce soit dans les titre « Titan », « Nitescence », « Le carnage des chimères » ou « Dans la poix des barathres ». On est loin ici des poncifs antireligieux ou politiques que le black metal véhicule souvent. Cette subtilité de mots et de pensée est complétée par un univers visuel tout aussi raffiné. L’artwork par exemple reprend une peinture de l’artiste symboliste Giovanni Segantini intitulé « Les mauvaises mères » (1894). Une œuvre toute en finesse, très bien restituée par l’impression concoctée par Nuclear War Now pour la version vinyle. D’art et de peinture, il en est aussi question à l’intérieur du livret avec toujours cette constante redécouverte de l’Antiquité que ce soit avec la Renaissance et la « Tête de chimère » de Giovanni Battista Franco ou de nouveau le XIXe siècle avec la toile « Pan et la chimère » de l’artiste français Luc-Olivier Merson. Bien plus qu’un simple album musical, Fog et Khaosgott ont concocté une œuvre cheminant dans les arts au sens large du terme. La surprise n’est pas totale car ce n’est pas une première chez Cénotaphe, mais une fois de plus on ne peut que se réjouir de ce sens du détail.

Mais venons en à la musique elle même. « Chimères » n’est jamais que le deuxième album de Cénotaphe. Longtemps le groupe a surtout enregistré des petits formats (démos, EP, split) avant de franchir le pas de l’album en 2020 avec « Monte Verità». Cet opus qui venait couronner une discographie déjà flatteuse, était déjà un petit bijou de black metal dense et raffiné. L’album avait fait très forte impression y compris à l’étranger, fait assez notable pour un groupe français.
« Chimères » va encore plus loin. On ne va pas parler d’aboutissement car rien ne nous dit ce dont Cénotaphe est encore capable, mais sans l’ombre d’un doute le groupe a encore hissé un peu plus haut son niveau de composition et de jeu.
Le son de cet album est fascinant et assez différent de ce que l’on peut croiser dans la famille black metal. Il est terriblement rugueux avec une basse qui claque fort, très fort même. Dans ce mur les guitares, qui ne manquent ni d’agressivité ni d’une certaine finesse, se fondent avec une batterie nerveuse et un chant rocailleux à souhait. L’ensemble est compact et très organique à mille lieues des productions surproduites et sans âme.
Après une petite introduction « Sempiternel retour » marque l’entrée dans une musique haletante qui ne retient pas ses coup et ne relâche son étreinte que pour mieux recramponner l’auditeur. Des pièces d’airain comme celle-ci l’album n’en est pas avare avec « Titans », le terrible « Sous les fourches manichéennes » où le grandiose final « Dans la poix des barathres ». Cénotaphe n’en oublie pas pour autant ses inclinaisons plus atmosphériques comme en témoignent « Nitescence » ou « Le carnage des chimères » qui est traversée par quelques chœurs. Le rôle des claviers n’est pas à oublier, eux qui amènent des touches éthérées à bien des endroits comme ces notes de piano dans « L’île de rien ».
Vous l’aurez compris, je porte en très haute estime ce deuxième album de Cénotaphe. Déjà coutumier des œuvres de grande qualité, le duo confirme un peu plus encore des aptitudes créatives peu communes et un sens aigu pour construire une œuvre totale pensée dans ses moindres détails. Dans les champs élyséens de la mythologie black metal, nul doute que « Chimères » trouvera vite sa place.
Tracklist :
1. Sempiternel retour (07:01)
2. Titans (06:41)
3. Nitescence (03:59)
4. Sous les fourches manichéennes (06:11)
5. Le carnage des chimères (07:33)
6. L'île de rien (08:10)
7. Dans la poix des barathres (04:36)

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