Vígljós – Tome II: Ignis Sacer (2025)

Publié le 12 septembre 2025 à 07:07

Style : black metal

Label : Les Acteurs de l’Ombre Productions

Localisation : Suisse

Sortie : 19 septembre 2025

 

Avec son premier album, Vígljós étonnait déjà à tout point de vue : que ce soit visuellement, avec ses tenues médiévales d’apiculteur, que ce soit thématiquement en se plaçant du côté des hyménoptères ou que ce soit musicalement avec un black metal singulier très marqué par la rudesse des débuts de le seconde vague scandinave. Pour beaucoup, il y avait là de quoi perdre son Latin et pour d’autres  de quoi faire leur miel.

Depuis le groupe suisse est devenu trio et a signé pour le label Les Acteurs de l’Ombre Productions. Sans pour autant ôter ces costumes qui suscitent bien des commentaires, Vígljós laisse de côté le prisme apicole pour une thématique agricole mais toujours médiévale et sociétale. Ce « Tome II : Ignis Sacer » s’intéresse en effet à l’ergotisme. En ayant signé chez Ladlo, le groupe a donc frappé à la bonne porte (à moins que ce ne soit Ladlo qui ait toqué à celle de Vígljós). En effet il y a quelques mois, le label s’est distingué en lançant un jeu de rôles cachés intitulé « Mal Ardent » qui faisait lui aussi référence à ce petit champignon qu’est l’ergot de seigle (claviceps purpurea pour ceux qui n’ont pas perdu leur Latin).

Le champignon en question est petit mais les conséquences de son ingestion et son rôle dans l’histoire des hommes ne le sont pas. C’est notamment le cas au Moyen âge où l’ergotisme va connaître de véritables flambées avec l’extension de la culture du seigle en Europe. Surnommé feu de Saint Antoine, de Saint Martial ou encore mal des ardents, ce fléau prenait des tournures souvent dramatiques. Dans les cas les plus aigus, l’ergotisme provoquait de violentes crises de convulsions dues à l’intoxication du système nerveux. Pas moins spectaculaires, d’autres formes de l’empoisonnement affectaient la peau provoquant déformations et gangrène des membres. Les flambées d’ignis sacer donnant l’impression que des régions entières semblaient sombrer dans une folie et des tortures dont seul le diable ou de grands péchés pouvaient être la cause, elles ont largement été décrites et commentées dans les chroniques médiévales et modernes. Les représentations picturales de ces corps distordus ne manquent pas non plus, pensons à Jérôme Bosch, Matthias Grünewald ou Peter Bruegel l'Ancien. L’artwork réalisé par Adrian Smith (rien à voir avec le guitariste d’Iron Maiden) semble d’ailleurs s’en inspirer, puisque derrière la représentation des trois apiculteurs de Vigljós, on retrouve ces figures tourmentées et déformées.

Mais l’histoire de l’ergot de seigle ne s’arrête pas tout à fait là, puisque l’un des alcaloïdes qu’il contient, l’acide lysergique, sert à synthétiser le LSD. Du Moyen âge à nos jours il n’y a donc qu’un pas que Vigljós va franchir allègrement. En bref du point de vue du concept la formation helvétique franchit une nouvelle fois le mur du son. Mais qu’en est-il de la musique ?

Véritable transposition de la folie et de la souffrance des Ardents, l’intégralité de l’album est traversée par une frénésie qui confine parfois à l’hallucinatoire. Le principal outil de cet univers c’est la voix de L qui est littéralement habitée quelque soit le sentiment qui l’anime. Que ce soit en mode douloureux, fou furieux voire à la limite de la transe, rarement chant ne s’est avéré aussi expressif et communicatif. Le potentiel était déjà là dans le premier album mais ici il franchit une autre dimension en évoluant sur la corde raide qui relie parfaite maîtrise et improvisations inspirées. A se demander parfois s’il n’aurait pas parfois abuser de claviceps purpurea...

L’instrumentation n’est pas en reste quand bien même elle semble parfois placée légèrement en arrière du mix. Les sonorités black du début des années 90 sont encore présentes avec un son assez sec et rugueux, c’est un peu moins flagrant que sur le premier album. A ce socle, Vigljós incorpore toutes sortes d’influences : du rock psyché qui émane de « A Seed of Aberration » on passe sans transition à une sorte doom implacable sur « The Rot ». Véritable récit introduit et conclu sur deux instrumentaux, « Tome II : Ignis Sacer » est constellé de montées et de descentes qui nous emmène au plus profond de la folie humaine qu’elle soit médiévale ou contemporaine.

Ce tome II voit d’ailleurs une irruption d’accents psychédéliques et dark folk encore plus marqués que sur le précédent opus. Le recours au mellotron et à divers arrangements y sont pour beaucoup mais ce serait oublier tout un travail effectué sur les mélodies, le chant ou même les percussions. Le son lui même est parfois traversé de déflagrations renforçant le sentiment de malaise et de fin du monde. 

Avec « Tome II : ignis sacer », Vigljós frappe fort, très fort même. Loin de se contenter d’un concept album déjà très bien ficelé, le groupe parvient totalement à le mettre en musique et à affirmer une identité sonore très forte. D’ores et déjà il constituera une des sorties marquantes de cette année.

 

Tracklist :

1. Sowing (02:24)

2. A Seed of Aberration (06:42)

3. The Rot (06:02)

4. Claviceps (05:16)

5. Delusions of Grandeur (07:23)

6. Decadency and Degeneration (06:02)

7. Harvest (07:04)

8. Fallow - A New Cycle Begins (01:57)

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